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lundi 27 mai 2013 à 20h

Cinérépertoire : La Porte du paradis

La Porte du paradis - 1980 - Etats-Unis - 3 H 40

de Michael Cimino avec Kris Kristofferson, Isabelle Huppert, Christopher Walken

Nouvelle édition remastérisée sous le contrôle de Michael Cimino et quasiment la première fois qu'on peut voir ce film dans sa durée originelle.

En 1870, James Averill et Billy Irvine, étudiants à Harvard, s'apprêtent à civiliser l'Amérique. Vingt ans après, ils se retrouvent dans le Wyoming, l'un shérif fédéral, l'autre, alcoolique, membre d'une association d'éleveurs en lutte contre les immigrants d'Europe de l'Est. Natte Champion, tireur d'élite, est leur bras armé. Il a une liaison avec Ella, une prostituée, mais elle lui préfère Averill.

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Michael Cimino, né trop tard pour filmer les mythes fondateurs de l'Amérique met en scène sa version masochiste de la « Naissance d'une nation » bâtie sur des ethnocides.

En 1978, fort du succès de Voyage au bout de l'enfer, Michael Cimino peut enfin tourner sa propre version d'une page de la naissance des États-Unis, bâtis non seulement sur le génocide du peuple indien mais aussi sur les persécutions de la seconde génération d'émigrés pauvres venus d'Europe Centrale

Michael Cimino s'inspire d'un épisode méconnu et surtout refoulé de l'histoire américaine : la guerre civile qui éclata en 1890 dans le comté de Johnson, Wyoming, et qui aboutit au massacre de populations civiles par des milices payées par les capitalistes et les gros propriétaires de la région.

À la tête d'un budget colossal, à la hauteur de ses ambitions d'artiste mégalomane, Michael Cimino aborde un sujet brûlant et ne renonce en rien à ses audaces narratives et son lyrisme, entre Ford et Visconti. Il radicalise la construction de son précédent film, et met en scène une fresque composée de trois parties inégales, blocs de temps qui confèrent à l'œuvre un rythme musical, une structure proche de l'opéra. La longueur du film est légitimée par la densité romanesque et historique du film mais aussi sa structure qui étire les scènes de groupes, comme le bal de la remise des diplômes d'Harvard en 1870, et celui sur patins à roulettes des fermiers vingt ans plus tard.

En revanche, Cimino ne livre aucune explication psychologique. Il laisse volontairement planer une certaine ambiguïté sur le comportement et les sentiments contradictoires de ses personnages principaux, un trio amoureux formé par un riche intellectuel prenant parti pour les émigrés (Kris Kristofferson), une prostituée française (Isabelle Huppert) et un tueur (Christopher Walken).

Ce film sur la fin de l'idéalisme marqua aussi la fin du cinéma d'auteur américain à grand spectacle. Le public refusa la vision hyperréaliste de l'Ouest et la lecture politique de Cimino, à contre-courant du révisionnisme hollywoodien et des westerns classiques.

Mise en scène grandiose, reconstitution historique impressionnante, distribution et direction artistique brillantes, scénario complexe et intelligent : il est temps, des deux côtés de l'Atlantique, de considérer La Porte du paradis comme ce qu'il est vraiment : un chef-d'œuvre.

Tél. 05 63 57 01 28

Courriel les400coups.imagincinema@orange.fr